hivernage ici
kalamata Péloponèse
heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage....(Joachim Du Bellay) |
un furieux à la mairie
La matinée aurait pu être, comme les autres, sans histoires en ce mois où tous les touristes ont déserté les plages les hôtels et les magasins. Une matinée entre nous, insulaire, à l’heure où chacun fait ses comptes, les commerçants pensent déjà aux vacances. Pour l’un se sera le Brésil, pour l’autre la Thaïlande. Quelques fonctionnaires communaux, beaucoup en réalité, font aussi les comptes – noirs - de la petite activité qu’ils les a motivé tout l’été : un petit restaurant dans l’enceinte du château ou sur la plage, un magasin de souvenir ou de bijoux, une blanchisserie et autres locations d’appartements.
Un adjoint au maire entre en trombe vociférant dans le bureau du directeur général :
« y en a marre, encore une vache dans une propriété; il faut faire quelque chose et la faire évacuer et en plus elle est morte et comme d’habitude elle n’a plus son badge , elle n’appartient à personne!»
L’histoire intéresse tout le monde, élus, fonctionnaires et autres amis et les commentaires vont bon train.
« Ok, j’appelle des services vétérinaires » répond le secrétaire général,
-non c’est notre problème on s’en débrouille » ordonne l’adjoint qui semble paniqué, à moins qu’il ne se prenne pour le maire.
Mais à ce stade, la résistance administrative s’organise, et notre directeur finit par s’amuser du résultat des divers coups de fil aux administrations centrales. Toutes rejettent le bébé, enfin la vache, qui sur l’Agriculture et la forêt, qui sur la Commune, qui sur la Préfecture maritime, qui sur la Santé. Bref tout ceci parce que personne n’a les moyens ou l’envie de prendre en charge, ce corps en putréfaction.
L’histoire durera plusieurs jours, et plusieurs jours durant, le secrétaire général campé derrière la réglementation regardera tout ce petit monde d’habitude si débonnaire, s’affoler, chacun y allant de ses commentaires , incapable de trouver les solutions compatibles avec la loi.
Pourtant, la police municipale et les services techniques avaient réglé, il y a quelques temps le sort d’une vache errante un peu trop près des habitations. Un règlement radical parait-il : la vache s’étant « suicidée ». Mais là, elle est déjà morte ! La discussion revient sans cesse sur le propriétaire jusque là inconnu de l’animal, les suppositions vont bon train, et tout agriculteur est suspecté.
Le brigadier enfourche sa nouvelle moto trail et se rend chez Antoine. Celui-ci jure qu’aucune de ses bêtes ne manquent à son troupeau et qu’il est bien navré de ce qui arrive. Vu les antécédents on le suspecte d’être responsable mais sans preuve on laissera au présumé coupable le bénéfice du doute.
Dans les jours suivants, aucun agriculteur ne déclare de perte de bétail. Cette vache est certainement venue du continent passer des vacances et a du rater le dernier ferry !
L’adjoint ne perd pas son teint cramoisi et réclame à qui veut l’écouter, l’enlèvement du cadavre. Le maire parait amusé, l’affaire ne lui semble pas si gravissime et même un peu futile. Le secrétaire général répète à tous que la commune n’a pas de compétence pour régler le problème, la police municipale se sent désarmée (elle qui réclame justement d’être armée, on ne sait jamais, mettre une contravention de stationnement fait courir un grand danger), les services techniques sans moyens techniques, les services de l’Etat sans moyens financiers. Les agriculteurs se font solidaires se font oublier Bref on tourne en rond, c’est normal nous sommes sur un île, sans porte de sortie pour régler le sort de ce cadavre. On tourne en rond, comme d’habitude, et comme d’habitude la solution sera radicale et inattendue. Comment va-t-on se sortir de cette impasse ? Par chance l’affaire ne fait pas trop de bruit sur la place publique et la journaliste locale ne courre pas après ce fait divers morbide.
Pendant ce temps, la mer lèche tendrement le bovidé qui commence sérieusement à gonfler. Le propriétaire de la résidence où cette vache a décidé de passer de vie à trépas ne revient pas chez lui ! Quelle chance. car de toute évidence, monsieur l’adjoint qui ressemble maintenant à un homard sorti de son bouillon thermidor en a une crainte qui le rend imbuvable ! Mais pourquoi ? quel lien tortueux lie les deux hommes ? Y aurait-il une connivence, une petite magouille, un passe droit honteux qu’il faut à tous prix caché sous peine de déclencher un scandale, local bien sur?
L’histoire ne le dira pas et c’est tant mieux car ce serait appuyer une rumeur ancestrale, un apriori continental sur ce qui n’est que la mise en œuvre de relations de bon sens.