hivernage ici
kalamata Péloponèse
heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage....(Joachim Du Bellay) |
Ce n’est pas habituel pour nous de voir ces deux gardiens du Péloponnèse revêtir l’habit vert. Bien sûr il ne s’agit pas de leur entrée à l’Académie Française mais simplement la conséquence d’un hiver pluvieux, plus rigoureux que le précédent.
Toute cette végétation estivale, sèche à l’accoutumée, revit lâchant des mètres cubes de senteur jusqu’en pleine mer. Sentorelles, immortelles et arbousiers se libèrent de leurs pollens odoriférants rendant fous de joie abeilles et insectes butineurs. Bientôt sur les étals des marchés retrouveront nous ces joyaux de la nature, miels liquéfiés, cristallisés ou opaques, plantes aromatiques rassemblées en bouquets grisâtres ou décoctions vertueuses.
Matapan s’est laissé doubler sans difficultés et l’anse de Porto Kayo d’ordinaire si animée nous a hébergés dans un calme inhabituel, seules lumières de la nuit furent celles des tavernas désertes.
Il n’en fut pas de même pour le petit frère Maléa, le turbulent Maléa qui rivalise de traitrise avec les plus grands noms méditerranéens, Sicié, Bear et autres Créus.
Alors que l’approche fut d’un train de sénateur, à une vingtaine de miles, vers midi la frondaison bleue nuit qui barrait la route du cap annonça le vent. Peu violent mais établi à force 4, de face, il fallut border les voiles et c’est à vive allure que pendant deux heures forain des mers fendit l’onde peu agitée, à 6 / 7 nœuds poussant même jusqu’à 7,4 nds !
Maléa se rapprochait. Tenter de le passer dans le galop nécessitait de tirer un bord jusque sur les côtes de Cythère, traverser le rail de navigation où déjà plus de cinquante cargos avaient fait sonner notre AIS, puis retraverser à l’aplomb.
Bref, peu courageux nous avons préféré rejoindre Néapoli, face à nous, trouver grâce à la complaisance du coast guard de garde une place à quai, place empruntée à un petit bateau de ravitaillement de Cythère, pour la nuit.
A 6 heures, dans la nuit sans lune, l’appareillage pour doubler le cap se fit sans bruit. Quel ravissement de voir le soleil émerger derrière Maléa, et rapidement inonder de lumière le détroit, déverser dans son irrésistible ascension la chaleur de ses rayons renaissants.
Si les caps tout en verdure se sont montrés tout neuf, que dire du rocher de Monemvasia ! C’est au moins la cinq ou sixième fois que nous faisons halte dans ce haut lieu de l’histoire des hommes qui ont fait la Méditerranée.
Monemvasia au printemps, c’est un ravissement de couleurs et de senteurs. Accrochée aux roches rougeâtres, une multitude de plantes sauvages tachent de bleu, de rouge et de jaune les falaises et les contrepentes de l’ancien volcan.
Etant incapable de les nommer, je ne citerai que les boules jaunes citron, pareilles à des soleils des anis sauvages, les cyclamens nains de blanc vêtus qui donneront à l’automne la couleur violette à l’origine de l’appellation, Napo li di Malvési l’île violette , Monemvasia l’île violette.
Nous avons consacré près de quatre à revisiter l’île, la ville haute et la ville basse, la citerne et la cathédrale Hagia Sophia érigée sur le point culminant du roc, à même le vide, récemment restaurée.
Moi qui ai jeté sur un bout de cahier les bases d’un roman sur la reconquête de la cité par les turcs en 1715, Cünjet le janissaire, j’ai trouvé là une nouvelle inspiration.
Il nous faut partir, la route pour les Sporades du Nord est encore longue.