hivernage ici
kalamata Péloponèse
heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage....(Joachim Du Bellay) |
Le royaume du commerce
Bon cette fois-ci je me suis vraiment égaré sur ma piste forestière, fraîchement taillée dans la montagne. Tiens un réservoir d’eau percé, une réserve pour les pompiers en cas d’intervention lorsque le maquis s'enflamme. Bon d’accord, il a servi de cible aux apprentis têtes brûlées qui vont défendre l’honneur du peuple unitaire, identitaire et si unique.
Je me suis renseigné, j’ai lu. Comme sur toutes autres îles de cette région du monde, il n’y a pas pire quantités de civilisations qui ne se soient confrontées ou unies pendant des millénaires !! Alors identité nationale et insulaire, oui je suis pour, je l’encourage même car je crois sincèrement que les hommes ont toujours besoin de symboles pour se retrouver, se rassembler, pour mieux vivre ensemble .
Cette fois-ci je me suis perdu dans les fourrés et j’ai aussi perdu mon berger dans son 4x4. Ah ! Heureusement que la PAC est là pour lui permettre de vivre aussi bien que sur la côte où ses cousins affrontent tous les jours de l’été cette invasion de touristes qui submerge, engloutie, salit notre beau patrimoine. Alors ces cousins ont du se défendre !
Avec une multitude d'échoppes et de lieux de restauration, plus ou moins sains d’ailleurs, défendre leurs plages en forçant les envahisseurs couverts d'huile solaire à fréquenter les espaces privés qu'ils ont installés avec ou sans l'accord des autorités, leurs parasols et leurs transats, à consommer le poisson frais venu tout droit de Boulogne, dans des caisses isothermes, à manger du veau corse, celui qui a trois ans, de la saucisse de foie italienne, et boire du vin, du bon vin rouge ou ambré, gris ou rosé des beaux domaines authentiquement insulaires.
On les aime bien ces étrangers d'un jour, on les appelle familièrement les « porte-monnaie » Il y a aussi ces crèves-la-faim qui osent prendre des vacances alors qu’ils n’ont pas un sou ! Ils débarquent du ferry le sac à dos chargé, ne gouttent pas nos bons produits régionaux dans nos beaux restaurants où le personnel qui ne connaît même pas la cuisine locale pousse à la commande au maximum comme on leur a appris, pensant que le patron leur en sera reconnaissant.
Les « sacs à dos » comme on les appelle. se contentent d’un sandwich, d’un pan-bagna d’une glace et boivent du coca! Il ne sera pas dit qu'ils repartiront sans avoir goûté les spécialités du pays. Pour eux on a inventé le "corsicoca" !!
Et puis il y a encore ceux qui viennent par la mer, de plus en plus nombreux à tel point qu’il faut faire des priorités pour leur donner un anneau dans le port. Et comment ? Il y a celui qui tourne autour de l'île, celui qui arrive de bonne heure du continent épuisé par une traversée difficile et qui a besoin d’urgence d’un repos réparateur.
Mais il y a aussi et surtout celui qui ne regarde pas le fond de sa bourse et qui avec des largesses discrètes auprès des personnels du port, devient vite prioritaire parmi les plus prioritaires. On ne va pas le rater ce généreux plaisancier, ce gros consommateur de plaisir, ne le décevons pas et soyons plus qu’aimable avec lui et avec sa moitié qui n’hésitera pas à vous traiter de valet.. . L’hospitalité lorsqu’elle s’accompagne d’argent facile fait souvent, bien des entorses à la fierté nationaliste !
Quant aux autres il ne leur reste plus qu’à jeter leur ancre à quelques encablures, dans la baie sur les champs de posidonies, des ancres certainement infectées de l’algue tueuse fameuse Taxifolia récupérée sur la côte d’Azur. Il faudra quand même qu'on leur laisse un bout de ponton pour qu' à l’aide leurs annexes ils puissent parcourir la ville.
Jusque tard le soir ils consommeront, consommeront encore. Les familles déambulent sur le port où certains camelots triés sur le volet ont la permission d’animer la soirée, la jeunesse continentale quand à elle est attirée comme un papillon de nuit par un fanal par les deux établissements nocturnes. Prévenants ceux-ci organisent des navettes depuis le centre-ville pour les retours arrosés, défoncés, délabrés, histoire de se donner bonne conscience.
Dans la rue piétonne bondé de monde les terrasses des cafés et des restaurants, les portants des magasins de souvenirs empiètent largement sur la voie au risque d'entraver en cas de sinistre l'intervention des secours.
Il faut lutter contre cette invasion pacifique, alors taxons, faisons payer très cher nos richesses, notre soleil, notre chaleur, notre sable,nos produits soit disant locaux. On ne leur dira pas que les authentiques ont été déjà mangés avant la saison, par nous, non mais quand même il ne faut pas exagérer, nous sommes chez nous et respectables !
Et ainsi va tout ce petit monde, dans une harmonie apparente, toute faite de compromis, d’accords tacites ou illicites mais dont chacun en tire profit, pour les uns le soleil, pour les autres l’argent.