heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage....(Joachim Du Bellay)

II. Antoine le berger

Il était donc une fois l’histoire de ce paysan plus berger qu’agriculteur. Son exploitation, plutôt sa ferme se situait non loin de la mer. Depuis longtemps le bornage de ses parcelles avait disparu ! Je crois qui plus est que son grand-père, voire son arrière-grand-père ne l’avait pas connu. Ici tout est tradition et paroles données; Ici les enfants ne remettent pas en cause les accords entre aïeux…

Dans ce pays les veaux ont trois ans quand ils arrivent à l’abattoir, c’est dire s’ils sont sveltes car il n’y a pas grand-chose à se mettre dans la panse et à ruminer dans ces maigres prairies brûlées par le soleil pendant les mois d'été, ravinées par la pluie et le vent l’hiver laissant dans les rocailles, genêts et myrtes se disputer le sol.

Le propriétaire les aime ses bêtes, tout autant que le vacher d’Auvergne, beaucoup plus que celui du Morvan qui ne pense que rentabilité. Ici on fait du naturel, de la vraie nature …. Mais lorsque la demande d’authenticité via les produits régionaux, celle des touristes, se fait trop forte, la saucisse de foie, le jambon ou l’épaule fumée sont plus italiens qu’insulaires. D’ailleurs qui ici mettrait sur la table ses propres salaisons en dehors des mois d’hiver?

Qu’il est vraiment difficile de suivre ce troupeau et de le compter dans ce maquis! Un maquis si précieux pour cette belle faune sauvage que tout le monde protège, meme si le gibier à plumes ou à poils peut tomber sous les chevrotines jusqu’au mois de juin. Au mois de juin ? Mais la chasse est fermée ! Oui mais, le gibier ne le sait pas, et puis en période de chasse on risque plus 'd'attraper un accident' qu’en dehors ! Et il faut aussi aider à la régulation des espèces. Le sanglier pullule et cause des dégâts aux récoltes ! Bon à part dans la plaine orientale il n’y a pas de champs à détruire mais il faut quand même se sentir solidaire des agriculteurs de là-bas, ceux du continent qui se plaignent sans discontinuer des ravages causés dans les maïs par ces cochons mal élevés.

Sur l’île, les cochons, eux sont beaux, multicolores, surtout noirs. Ils mangent de tout devant tout le monde, même dans les poubelles des maisons que la municipalité n’a pas enlevées car le chauffeur du camion retenu au lit par un corps au pied, a raté la date du contrôle technique. Dâme, qui pourrait conduire avec un corps au pied ?

Je m’égare comme le troupeau de mon agriculteur, il faut quand même le compter ce troupeau. Alors il prend son 4x4, fait bien attention auxbranches des chênes verts qui tentent de rayer la belle peinture de ce modèle de l’année en cours. Il passe volontairement dans les flaques boueuses des pistes forestières pour paraître comme un vrai baroudeur. A la saison sèche le 4x4 se couvrira d’une poussière épaisse. Attention, il ne faut pas rigoler. Ca fait viril lorsqu’on descend en ville pour acheter le pain ou boire le pastis avec les amis de toujours, les frères, les cousins et discuter politique à la terrasse d’un café.

Alors on critique en premier lieu le maire que tous connaissent bien, et tous revendiquent d’être allé à l’école avec lui, d’avoir fréquenté les mêmes filles, et de l'avoir soutenu lors de sa dernière campagne électorale, heureusement car sans eux il était perdu. Cette critique récurente c’est une habitude, une preuve d’intéressement!

Et d’ailleurs il ne sait pas à quel point il leur est redevable ! Le pauvre ! On ne comprend pas pourquoi il a pris cette décision. Sûr on ne le votera pas la prochaine fois, pourtant c’est un ami, un bon ami. Ah ! Il nous pose un problème ! Mais sur le fond, même s’il ne va pas dans notre sens, qui ferait mieux ? Alors, on l’aime quand même et puis il faut être solidaire et pardonner les fautes de parcours ( à suivre.... Le royaume du commerce)

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