Forain des Mers

plus j'apprends, plus je me sens ignorant.... alors j'ai décidé d'aller encore plus vers les autres...

hivernage ici

kalamata Péloponèse

 
 

 heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage....(Joachim Du Bellay)

le fils de Cünjet

Thalia se met à courir vers l’étranger et lâchant son seau se jette à son cou.

<- Deniz, Deniz c’est toi que je suis heureuse de te voir ! Où est Cunjet ?>

Deniz la serre tendrement dans ses bras et ne dit mot. La jeune femme jubile, l’abreuve de questions. A l’instant où il va répondre, donner son funeste message, un bambin, aux cheuveux bruns et bouclés sort de la cabane accompagné de la mère de Thalia et se précipite dans les jupes de cette dernière. Deniz comprend de suite et devient livide.

Pour lui la tâche se complique. < -C’est ton fils ? quel âge a-t’il ?

<- oui c’est mon fils, c’est notre enfant à Cünjet et moi. Mais pourquoi n’est-il pas venu ? Est-il resté à Istanbul ?>

Il est temps pour Deniz de se lancer. <-non Thalia, c’est pire que cela, Cünjet est resté au combat, il est mort en défendant son Pasha, je suis désolée.>

Thalia éclate en sanglots, des sanglots silencieux, ceux qui sont difficiles à supporter, à entendre. Elle se retourne et se réfugie dans les bras de sa mère, s’asseyant sous la tonnelle de vigne sauvage devant la maison.

De longues minutes s’écoulent avant que Thalia ne reprennes la parole. <-J’ai cru si longtemps que Cünjet m’avait oublié, qu’une fois rentré de la guerre il avait trouvé une autre femme à Istanbul. Parfois j’ai imaginé qu’il avait été blessé et qu’il ne pouvait revenir. Non ce n’est pas possible, il ne peut pas être mort !

-Hélas Thalia c’est la vérité il est bien mort>

- Rentre Deniz, soit le bienvenu même si la nouvelle est triste, rentre sous notre toit, viens te rachaichir lui demande le vieux paysan, arrivé du champ voisin et qui a assisté à la scène.>

Thalia tout en pleurs, d’un calme étonnant le questionne, veut connaître tous les détails. Deniz alors raconte, cachant la vérité sur les coups les plus sanglants. Il sort de sa besace le foulard taché de sang.

<- Tiens Thalia il le portait sans arrêt au coup, quand il est mort dans mes bras il a voulu que je te le remette, que je te dise combien il t’aimait, combien il voulait vivre avec toi> Alors elle prend dans ses mains le morceau de tissu, le porte à sa bouche et éclate une nouvelle fois en sanglots.

< Et ce petit, Thalia, dis-moi quand il est né ! Quel âge a-t-il ?

-Le petit Cünjet a bientôt deux ans et demi. J’ai donné à l’estafette des janissaires qui remontait à Istanbul une lettre pour Cünjet pour lui dire qu’il était papa, mais je n’ai jamais eu de réponse. Plutard j’ai questionné le torjbachiq à Monnemvasia pour savoir où il était, ce qu’il était devenu, jamais il ne m’a répondu autre chose que ’un janissaire ne peut se fixer à un endroit même pour une fille’. Alors j’ai cru qu’il m’avait abandonnée.

-Non Thalia, il ne t’a jamais oublié. Il pensait revenir ici, a demandé à être renvoyé à Monnemvasia pour être avec toi, mais après ses actes de bravoure au pied de la forteresse, Ali Pasha a tenu à le récompenser en le nommant chef de la garde impériale. C’est comme cela qu’il s’est retrouvé en guerre, en Serbie, loin dans le nord>

Les jours suivants, Thalia et Deniz passeront beaucoup de temps, elle demanderesse des moindres détails du passé tragique de son amoureux, lui de comment elle a vécu cette attente, de cet enfant qui joue à ses pieds. Deniz lui parle du papa de Cünjet, des relations qu’il entretenait de son souhait de la connaître un jour.

Alors sans hésiter elle décide de se rendre en Anatolie à la rencontre de cette famille qu’elle n’aura jamais. Le chemin est long, et ils attendront le voyage retour d’un navire en partance de Monnemvasia pour Cesme, le mois d’après.

Dans la maison dominant la mer Noire, les deux vieux contemplent le soleil qui éclaire la baie et inonde de lumière les bougainvillées. Deniz s’avance sur le chemin, suivi de Thalia, l’enfant à bras. Une surprise pour ceux qui n’attendaient plus que la vie leur apporte quelconque nouvelle de leur fils.

Deniz, en militaire respectueux présente ses salutations au vieux janissaire et à son épouse. Ils ne lâchent pas du regard cette jeune femme que leur fils tant aimé, et ce petit garçon, qu’ils prennent comme un cadeau du ciel. On devine avec quelle douceur la maman de Cünjet sait se montrer accueillante, installe les nouveaux venus dans la maison.

Le soir, après que Deniz ait fait les présentations et rapporté les paroles de Cünjet sur le champ de bataille, le père dit ceci :

< -Thalia, je ne te connais pas, simplement par l’enthousiasme de mon fils à ton sujet, je ne savais pas que tu m’avais donné un petit fils, que par respect et par amour tu lui as donné le nom de son père. Sois la bienvenue ici, c’est ta nouvelle famille si tu le veux bien, nous donnerons au petit Cünjet une éducation comme l’aurait voulu son père. Deniz si tu le souhaite tu peux passer ici ta retraite, j’irai à Istanbul, voir le vizir pour échanger tes terres avec certaines d’ici, j’ai toujours eu l’écoute des Aghas et j’ai rendu tellement de services à l’empereur.>

Thalia resta ainsi dans cette demeure et son fils reçu l’éducation des grands seigneurs ottomans, fréquentant plutard les écoles supérieures et les bibliothèques d’Istanbul. Il ne fut pas militaire mais ses connaissances lui permirent une carrière de diplomate.

Quinze ans après, Thalia et son fils retournèrent à Iéraka. Ce fut la dernière fois qu’elle revit ses parents devenus très âgés.

Deniz quant à lui s’éteignit dans sa maison d’Istanbul, non sans être retourné à Pétrowaradein, sur le champ de bataille, commémorer pour lui seul le souvenir de son ami.

fin

retour de pêche

iles éoliennes

 

DOUCEUR DE VIVRE