Dans la grande salle du palais Topkapi où d’habitude le chef suprême, le grand vizir Ali Damat Pasha reçoit, Cünjet avance vers le trône empruntant l’allée centrale. Il y a là tous les dignitaires du régime, les chefs de guerre, les pashas gouverneurs des provinces.
A peine débarqué de son navire, il est conduit au palais par une escouade de spahis sans même pouvoir regagner sa caserne. lui déclare le chef de l’escouade après un bref salut militaire.
< Les nouvelles qui m’ont été rapportées sur ton action en Morée ont fait l’écho de tes qualités de stratège de négociateur et de ton âpreté au combat. Je veux entendre de ta voix comment tu as su préparer la prise de la forteresse. Je veux que tu me dises tout le bien que tu penses de tes officiers, parles.>
Alors Cünjet raconte, et au fur et à mesure de son récit s’enflamme sur la valeur de son bataillon, des janissaires car il a dans l’idée de redorer le corps de guerriers qui depuis près d’un siècle est controversé au sein même de la grande armée. Ali Damat amusé de la fougue du jeune homme, sourit à ces propos à contre-courant de ceux des chefs de guerre ottomans.
Après avoir été félicité, Cünjet apprend sans ménagement et avec grande surprise sa nouvelle promotion, il sera le tchorbadji le nouveau commandant de la garde rapprochée du grand vizir, un honneur qui fait beaucoup d’envieux. Dans la salle un ho de surprise, vite réprimé par le regard perçant du Pasha, secoue l’assistance. En un instant il prend conscience qu’il devra se garder, se prévenir des luttes intestines de la grande armée. La nouvelle le remplit de joie mais l’attriste aussi, il pensait retourner en Morée, il pensait qu’on lui confierait la garde de Monnemvasia parce qu’il est le seul à connaître parfaitement.
Il prend alors le commandement de la garde, retourne aux exercices de guerre, réorganise à son goût la garde impériale, une petite armée d’un demi-millier de soldats aguerris, y favorise l’intégration des meilleurs janissaires. Il en profite pour aller voir ses parents en Anatolie, la maison familiale, au bord de la mer Noire. Il apprend que, son père grand Janissaire en retraite au passé glorieux, n’avait-il pas conduit les troupes lors du siège de la capitale autrichienne en 1683 et protégé de son corps le sultan Mustapha II lors de la défaite de Zenta en Serbie en 1697, a usé d’influence pour favoriser la place de son fils à la cour ?
La famille de Cünjet est de vieille souche anatolienne. Il parait même que sa mère est issue d’une famille chrétienne partie aux croisades aux côtés de Pierre l’Hermite, et réfugiée sur les rives de la mer Noire pour échapper au massacre de ces croisés sans armes, n’ayant pour se défendre contre les turcs que leur foi, c’était y il a un peu plus de 5 siècles… Il a toujours plaisir à revoir, le village, la terre de son enfance, même s‘il a été vite envoyé à l’âge de 8 ans à l’école des janissaires de Topkapi, car dans la famille on doit être janissaire de génération en génération Il aime prendre le chemin de terre, bordé de genêts et figuiers qui descend jusqu’à la mer, il aime retrouver l’étendue d’eau, la mer qui l’a toujours fasciné.
Voilà deux mois qu’il est à Istanbul, et qu’il passe son temps entre l’école militaire, l’entrainement de ses hommes et le cabinet du Pasha. Il apprend là tous les petits secrets du grand vizir, de sa vie, et de son entourage. Ainsi, le jeune colonel apprend t’il les perfidies, les complots qui se fomentent à longueur de temps car Ali Damat a beaucoup d’ennemis de rivaux.
Il ne s’attendait pas à un travail de police aussi intense. S’il a la confiance du Pasha, il est seul, il ne connait personne, il lui faut un second en qui il a toute confiance, Deniz. Celui-ci revient de Iéraka laissant pour la forme Thalia sous la protection d’un autre de ses capitaines, pour la forme car il sait bien qu’il ne reviendra pas.
Nous sommes en septembre et les ottomans buttent contre la citadelle de Corfou, les vénitiens ayant eu le temps de rassembler assez de troupes pour défendre la citadelle et préserver l’île. Damat Ali fulmine. Il ne veut pas revivre les défaites de son prédécesseur d’il y a 20 ans.
Sa décision est prise, puisqu’il ne peut venir à bout d’une poignée d’italiens, par la terre il ira porter la guerre à Venise, comme son père, mais cette fois-ci il jure d’étendre les terres ottomanes jusqu’aux frontières françaises, même si Charles X n’est pas dans ses alliances. En six mois il forme une armée de près de 100 000 hommes qui prendra la route des Balkans en avril 1716.
à suivre: la bataille de Petrowaradein