hivernage ici
kalamata Péloponèse
heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage....(Joachim Du Bellay) |
C’est donc par une navigation à vue, à l’aviron, prenant le risque d’un échouage qu’il engage ses navires dans la passe de Gérakas. La grossière carte marine qu’il possède........
et les rapports de quelques espions lui ont parlé d’une rivière qui sort des falaises abruptes où il pourra trouver un havre pour ses hommes. La courbe serrée qu’il faut prendre dans la falaise n’est visible qu’au dernier moment à une centaine de brasses.
Heureusement la houle de nord-est s’est apaisée mais qu’en est-il des fonds ? Par peur d’un écueil recouvert, d’un éboulement de falaise, il donne l’ordre aux capitaines de vaisseaux de rester dans le lit supposé du fleuve. Derrière se cache le village de pêcheurs et la lagune qui s’étale à une demie lieue à l’intérieur.
Quel sera l’accueil des habitants? Tout est calme. Les villageois prévenus par les guetteurs de l’arrivée la flotte ottomane, habitués aux visites brutales des pirates et autres barbares se sont calfeutrés dans les maisons et beaucoup ont fui dans les terres. Les revoilà disent avec appréhension les plus vieux des Laconiens qui se souviennent encore de l’occupation turque. D’ailleurs tous sont nés sous le joug Ottoman. Parmi eux, ceux dont les ancêtres ont prospéré ou croisé les sangs familiaux avec l’occupant oriental pendant 250 ans ne cachent pas leur satisfaction de les voir revenir.
Les navires jettent leurs ancres à jas dans le lit de la rivière et sans tarder les chaloupes débarquent par dizaines les janissaires, effrayants dans leur tenue de combat. Mais Cünejt calme les ardeurs de ses soldats fatigués par tant de jours d’inactivité et de mal de mer. Même si la rivière est fortement protégée des coups de mer par les hautes roches, les vaisseaux prendront plutard de nouveaux postes plus à l’abri lorsque la lagune aura été sondée par les matelots.
Sur le quai, devant la chaloupe qui l’amène à terre, se tiennent droit debout 3 hommes d’un certain âge, visiblement les chefs de village. Cunjet leur adresse la parole en tsakonien, langue dont il a appris quelques rudiments à l’école militaire. Il lui faut rapidement gagner la confiance des habitants, alors il annonce son intention d’établir une relation commerciale pacifique, parle du passé en remémorant les années de ‘prospérités’ lorsque la Laconie était ottomane. Il leur explique avec fermeté qu’il installera dès à présent un camp et que les villageois devront immédiatement faire preuve d’allégeance Ceux-ci acquiescent mais la présence des hommes en armes les rend plus que méfiants et voient la compagnie armée s’affairer au débarquement. Leur confiance ne peut être acquise d’emblée et il sait qu’il doit la gagner à tout prix.
Alors les Turcs s’installent, occupant les maisons, obligeant les paysans et les pêcheurs à une cohabitation forcée tantôt ménageant la population qui doit lui apporter la logistique dont il a besoin, tantôt la bousculant. Iéraka, il l’avait étudié avant de partir semble l’endroit idéal, soit par la mer soit par la terre pour tester la résistance des vénitiens avant la reconquête du pays tant attendue par son sultan .
Il n’oublie pas que les Vénitiens maîtres de la région depuis plus de 15 ans s’ils contentent d’une occupation de Monemvasia et de son rocher et entretiennent avec les populations autochtones des campagnes des liens commerciaux. Seules quelques patrouilles militaires et les collecteurs de dîmes sillonnent de temps en temps le pays.
Il lui faut donc veiller fermement veiller à ce que le côté militaire de son installation reste le plus longtemps secret. Il décrète alors que tout fuyard ou traitre sera pourchassé et abattu, sa famille exterminée. Mais il ne se fait pas d’illusion, dans quelques jours les vénitiens seront prévenus de sa présence il doit prendre les devants.
Le lendemain les premiers éclaireurs lui rapporteront que les vénitiens sont peu nombreux et cantonnés dans leur forteresse, que peu de navires sont au mouillage. En fait, rapidement après la fin de la guerre, en 1690 les forces militaires vénitiennes avaient été 1690 fortement réduites. A l’époque la ville de Morée comptait plus de 2075 familles, soit près de 8500 personnes qui avaient quasiment toutes rejoint l’Asie, la terre de leurs ancêtres. A ce jour moins de 1622 âmes peuplaient le district. Pas de quoi mobiliser une forte garnison dans ce pays désormais en paix, pays montagneux au possible où les communications ne sont pas aisées qui ne produit que du vin sucré.
Alors il décide de prendre contact avec les autorités vénitiennes, de les bluffer sur ses véritables intentions guerrières. L’entrevue a lieu dans la salle de la poterne au bas des remparts de Monemvasia.
Le commandant de la place le reçoit simplement comme un marchand qui vient s’installer dans un comptoir en pays étranger. Cunjet est le seul à avoir conservé son uniforme, la dizaine d’accompagnateurs ont revêtu la tenue des commerçants, larges pantalons bouffants, gilets colorés brodés de fil d’or, souliers de cuir quelque peu éculés.
Autour d’un thé brulant, par l’intermédiaire d’un interprète, Cunjet avec force détails inventés dans la foulée expose son projet de comptoir, et en ces temps de paix renouer des liens entre les populations séparées par la guerre. Il ira même en gage complaisant faire cadeau d’un magnifique cimeterre issu de la collection personnelle d’Ali Pasha. Le magnifique rubis qui orne la poignée de l’arme provoque chez le commandant de la forteresse une indicible envie et ôte d’un coup toute l’appréhension qu’il l’habitait.
A la nuit tombée, les turcs s’en retournent, la lanterne de leur chariot éclairant faiblement le chemin de Iéraka. Cunjet se dit alors qu’il a bien fait d’adopter ce comportement, et toute sa raison sera maintenant de coloniser le village, d’entretenir avec l’ennemi les plus chaudes relations. (à suivre l'occupation..)