De Cefalu à Crotonne,
il y a un fameux détroit à passer...
1 septembre – 8 septembre:
Arrivée dans l’après midi à Cefalu, vieille ville historique accrochée à son caillou. Une première nuit au mouillage entre deux gros rochers, devant l’entrée du port puis le lendemain amarrage à un un anneau au port pour les besoins du bord mais aussi pour Bernard et Nathalie qui arrivent de France par ferry et pour qui la vie sur un bateau sera une découverte. La négociation du tarif pour 6 jours n’a pas posé de problème.
La ville est assez loin, 20 minutes de marche mais il fait bon flâner dans ces ruelles étroites, s’arrêter sur la place du ‘duomo’ s’attendrir devant le mariage à la porte de la mairie, puis aller se rafraîchir aux anciens lavoirs où coule dans une pénombre l’eau d’une source séculaire. Nous profiterons de la voiture pour faire un ravitaillement conséquent (de l’eau pour 2 mois) une ballade dans une des plus jolies villes d’Italie, Taormine dans le détroit de Messine, (attention, prière de stationner du bon côté de la route ou alors la police n’hésite pas à immobiliser votre véhicule à l’aide d’un sabot)
Bernard et Nathalie repartiront lundi et nous attendrons mercredi que le vent et la mer soit plus de notre côté pour prendre la direction de Messine.
9 septembre :
C’est avec peu d’empressement que nous quittons CEFALU. Les évènements (vols des effets dans la voiture de Bernard au port de PALERME juste avant l’embarquement) ont jeté le désarroi sur l’équipage.
Pas de vent, le parcours jusqu’à Capo d’Orlando, seul abri sur ce bout de côte se fera au moteur et un peu à la voile sur la fin, nous en avons désormais l’habitude. Le paysage sicilien déroule ses viaducs et tunnels d’autoroute et nous arrivons à la nuit. Une touchette dans l’envasement du chenal sera le seul fait marquant de la journée.
SCILLA la charmeuse et Charybde la dangereuse, le fameux déroit de Messine... |
10 septembre : ‘en passant par la botte italienne’
Il nous faut ce jour faire beaucoup de milles pour espérer passer le détroit de MESSINE, ce passage mythique.
FORAIN DES MERS part donc au jour levant en direction de l’Est. Le vent ne viendra qu’en fin de journée, trop tard pour le détroit, car il est préférable de passer le jour lorsqu’on est novice des lieux.
Au loin se profile le village de SCILLA accroché à sa montagne, endroit magnifique, un port de pêche comme rarement on peut en voir, les barques tirées dans leur garage ouvert sous les maisons, et la centaine de bateaux tirant sur leur corps mort. Il fait déjà presque nuit lorsque nous mettons l’annexe à l’eau dans un clapot qui n’annonce rien de bon pour la nuit. La promenade quotidienne de Cassy nous fait découvrir un endroit de vérité, un lieu chargé d’histoire de vie et de labeur d’un peuple entièrement tourné vers la mer. Les ruelles éclairées restituent une demi-pénombree saisissante et chaque âme qui passe en cette soirée attire la curiosité et la crainte.
La houle a pris de l’ampleur et le vent s’acharne à pousser le bateau dans un autre sens ; résultat il dérape et il faut changer d’endroit, poser les 60 m de chaine et rester vigilant toute la nuit. En général ces phénomènes s’estompent ou s’amplifient avec la nuit, ce sera une montée en puissance constante de la houle qui nous fera déguerpir avant le lever du jour.
Faux départ en remontant l’ancre, l’orin se prend dedans l’hélice et fait caler le moteur. Il faut jeter à nouveau l’ancre sans perdre de temps car le bateau dérive vers la côte et surtout plonger dans l’eau noire d’une nuit qui n’en finit plus, le couteau entre les mains pour couper cette sangle en espérant que rien ne restera coincé sur l’arbre d’hélice. Heureusement tout se passe bien et FORAIN DES MERS libéré file de SCILLA vers CHARYBDE.
L’odyssée raconte que SCILLA, une hydre à 7 gueules, de sa grotte sur le rocher, défendait le détroit en happant les marins sur les bateaux qui pour échapper aux tourbillons de CAHRYBDE longeaient la côte opposée. Si SCILLA n’a pas dévoré les marins du FORAIN DES MERS, elle a bien défendu son territoire car nous aurions pu subir l’avarie qui aurait mis précipitamment un terme à ce voyage.
11 septembre :
Au départ précipité succède l’appréhension d’un e navigation difficile. Le ciel reste d’un noir d’encre de seicheet sans tarder la pluie d’orage s’abat sur nous, elle durera deux heures. Nous prenons le rail en espérant ne pas mettre l’étrave dans les fameux tourbillons et que les courants de marées seront dans le bon sens, ( nous ne sommes pas partis avec l’alamanac’h des marées à Gibraltar). Un moment nous nous sommes vus rester sur place tant le paysage ne voulait pas défiler, malgré la puissance du moteur lancé à haut régime.
Troublant phénomène dans ce goulet de moins de deux kilomètres ; derrière nous un clapot organisé comme un mascaret nous a finalement aidé à vaincre les courants, de rares images de toutes beauté que cette eau aux couleurs de l’enfer se déchainant dans un sens puis laissant place à des zones du calme plat habituel des lacs et de nouveau le mascaret mais cette fois ci à contre.
Nous effectuerons les 5 km du détroit en 2 heures environ, slalomant entre les ferries traversiers et les cargos. En fin de matinée nous amarrerons Forain dans le port de commerce de REGGIO DI CALABRE, le détroit derrière nous
12 septembre :
Le port de REGGIO s’éloigne de quelques centaines de mètres et nous sommes déjà sous voiles par un vent presque arrière qui pousse vaillamment et qui s’infléchira pour suivre la côte de plus de 30 degrés. L’allure est bonne et c’est l’étonnement, enfin une journée qui s'annonce voileuse, le beau temps est revenu, ce ne sera qu’une accalmie dans les orages qui perturbent cette région de la méditerranée. La route est longue jusqu’au prochain abri sérieux plus de 70 milles.
En trainant près de la côte nous jetons l’ancre devant une plage au sable grossier du capo d’Abruzzo, pensant d’abord au mousse qui a besoin de se détendre. La houle est tombée, nous resterons ici jusqu’à ce que le vent reprenne de la vigueur.
Il est 3 heures du matin lorsque nous mettons du cap sur Rocella Ionica petit port made in ‘europeen communauty ‘ tant les subventions européennes ont permis l’aménagement de ce coin de mer. Ce fut un parcours surréaliste, le vent fût des nôtres mais un orage énorme, noir, lourd, entrainant plusieurs trombes d’eau angoissantes se mit à nos trousses.
Un changement de cap a permis d’échapper à ce déluge ; ouf de soulagement, car c’était la première fois où nous ressentîmes le besoin de se sangler dans les harnais de sécurité.
A 11 heures nous entrions dans le port pour nous reposer et avec du temps pour une longue promenade, la ville étant à plus de 3 km
13 septembre :
Roccella Ionica sera une journée de repos où nous rencontrons deux couples de marins français, l’un venant du sud de la Sicile et allant hiverner dans un chantier à Crotone, l’autre revenant de la Croatie vers Toulon. Les échanges d expériences et de bons tuyaux météo allèrent bon train une partie de la matinée. une bonne sieste et une longue marche, une gélatéria et voilà un peu de bon temps pris en ce dimanche.
14 septembre :
En deux mois nous avons perdu le calendrier ; est-ce un bien ou un mal ? La route vers la Grèce par le plus court chemin fait remonter le navigateur le long de la botte italienne
Crotone est donc la ville étape par excellence. Nous y arriverons à la nuit tombée après avoir fait connaissance des ‘chats de Dali’ posées sur l’eau au large; en fait il s’agit des plateformes d’extraction de gaz, mécanos monstrueux ressemblant aux peintures daliennes.
Alors là l’accueil manqua singulièrement de chaleur: les invectivations lors de l’amarrage dont nous fûmes la cible ont eu la capacité à me montrer sous des travers plutôt injurieux, bref le climat était créé et on était pas loin du coup de boule à la Zizou. Effet immédiat : le prix demandé cash 50 euros prohibitif ! Contre-attaque de ma part, le fameux scontrino ( le reçu ) qu’il ne faut pas hésiter à réclamer. Du coup les esprits se sont calmés et le prix est redescendu à 40 euros, sans reçu !! un vrai scénario pour guignol.
15 septembre : traversée vers la Grèce
Une accalmie dans le système météo de fronts orageux sur l’adriatique nous décidâmes à traverser le golfe de TARENTE pour prendre pied sur le talon de l’Italie en pleine région des Pouilles soit 70 milles.
Mais à peine sorti de Crotone, une ville très vivante, (si vous passez par-là rendez-vous au marché aux fruits et au poissons), vers 14 heures, le vent annoncé fit acte de présence et en repassant devant les plateformes gazières, nous décidâmes pour quelques degrés de cap de tenter la ligne droite vers l’île de Corfou, en espérant que les conditions météo iraient le plus loin possible dans la nuit. C’était 45 milles de plus soit 9 heures au plus.
Avec un vent de force 4 établi, au largue, FORAIN DES MERS fila ses 6 nœuds quelques fois 7, en douceur, un ris dans la grand voile. Nous avons eu la chance de conserver ce rythme jusqu’à deux heures de l’arrivée.
L’île de Corfou se laissa découvrir au matin , couverte de nuages qui se déchireront péniblement dans l’après midi. Navigation sensible tant les roches immergées sont nombreuses le long de cette côte. L’île nous est apparue grandiose de falaises d’ocres jaunes stratifiées à l’horizontale, de grottes marines et de verdure, un radical changement avec les paysages siciliens plus arides et plus roux.
Vers 15 heures nous mouillâmes l’ancre dans une baie immense, à RODHA par 4 mètres de fond, sur un sable uniforme. Longue sieste pour récupérer des quarts de veille de cette belle nuit passée en mer comme beaucoup souhaiteraient, sur 130 milles avalés en 22 heures le moteur n’ayant servi que pour sortir du port de Crotone.