Les îles Eoliennes...
telles des pierresprécieuses posées là, sur la mer
25 aout :
20 heures de nav sous un soleil écrasant, tantôt au moteur, tantôt sous voiles, avec un vent de face nous obligeant à dévier de la route directe et même à réduire la toile à 3 heures de l’arrivée. ALCIDUCI est un caillou posé sur la ligne d’horizon, impressionnant de puissance volcanique. Pas de port se sera un mouillage contre la paroi abrupte par 20 m de fond. Une nuit calme, seulement réveillé par les chèvres broutant je ne sais quoi sur les à pics des anciennes coulées de lave.
Le pacte avec Eole
Nous voilà depuis peu chez le dieu du vent, dans le triangle des îles LIPARI (qui sont 8 en réalité).
Comme Ulysse nous sommes venus pactiser pour qu’il enferme dans une outre les vents contraires qui gênent notre progression, et qu’il nous la confie. Notre part du contrat sera de passer désormais une semaine avec seulement 100 litres d’eau douce.
En effet il ne faut pas compter sur un approvisionnement facile en cette saison où l’eau fait régulièrement pénurie. Les navires de plaisance pullulent, les postes dans les ports rares et très excessivement chers.
Nous allons ce jour hisser les voiles pour rendre visite au cracheur de feu, le Stromboli qui déjà à plus de 80 km manifeste sa présence par un imposant jet de fumée tous les quarts d’heure environ. Mais auparavant sur notre chemin, la Sicile s’est découverte avec ses villages aux ruelles étroites, quelques fois pentues, ses placettes ombragées et animées. Paysages des côtes magnifiques déchiquetées par le vent et la mer, écrasés par le soleil et la chaleur.
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26 aout :
nous atteignons notre deuxième île du triangle des Lipari, Salina reconnaissable de loin par ses deux anciens volcans qui dessinent à eux deux une sorte de soutien gorge posé à plat, peut être celui abandonné par une prêtresse du dieu Eole.
Nous mouillons à l’entrée du port qui semble vide mais qui se remplira en fin de journée de très grosses unités et vu le prix d’une nuitée on imagine mal la plaisance se démocratiser. Une ruelle principale artère du village, toute propre où se sont réfugiées toutes les boutiques d’art et de mode.
27 aout :
un coup de téléphone à la famille, et Bouygues qui n’arrête pas de nous solliciter parce que justement nous ne consommons pas assez, cela devient éprouvant de lire ces dizaines sms.
Nous parcourons rapidement les quelques milles qui nous séparent ‘ isola Panarea, un bout de terre où la nature a déployé toute sa magnificence: côtes déchiquetées, îlots acérés, grottes sous-marines plages d’un sable noir doux à la plante des pieds. Alors pas étonnant que les milliardaires et autres fortunes se soient emparées de cette terre pour la coloniser de résidences toutes plus belles les unes que les autres. Et les bateaux aussi, par centaines dansent sur leur mouillage, vivement la fin des vacances que les lézards et autres oiseaux de mer retrouvent enfin le calme de leur habitat. Le Stromboli manifeste de loin sa présence par des crachats de vieux fumeur. Ce sera pour demain.
28 aout :
départ de bonne heure pour rendre visite à cette soupape de la terre dont la dernière éruption n’est pas si ancienne, 2003. Quelques heures de navigation rythmées par les bouffées noires du volcan dont les détails grossissent à vue d’œil. La soupape n’est pas très active, dommage !
Mouillage devant le village de San Bartolomeo, une plage de sable noir, impressionnant ! une balade dans les ruelles nous fait rêver à la douceur qui doit envelopper toute l’année ces maisons blanches et basses, couvertes d’une végétation méditerranéenne. Quelques dizaines de touristes venus par vedettes à hydrofoils flânent dans les rues en attendant en cette soirée la dernière navette.
29 aout :
départ pour Lipari ; le trajet se fera au moteur, 23 milles, où nous resterons uniquement pour faire un petit ravitaillement tellement le mouillage est désagréable. nous retrouvons l’ambiance des villes touristiques de bord de mer avec ses boutiques à touristes, peu d’originalité, peu de terroir. L’ancre relevée, nous filons dans la pénombre montante vers Vulcano, à quelques milles, pour encore un mouillage de rêve dans un cirque de roches déchiquetées et de plages au sable d’ébène.
30 aout :
ascension du volcan de bon matin pour le cratère et les dernières fumerolles de souffre qui traduisent la fin d’une activité pour ce géant. La montée est pénible et Cassy ne comprend pas pourquoi cette ballade pipi n’en finit pas et que cela sent l’œuf pourri partout. A la descente nous irons voir les bains de boue sulfurisés mais assez épuisés, il est 13 heures, aucun de nous n’a le courage de goûter au plaisir de la purification du corps.
31 aout :
Dans la nuit un petit souffle a fait croire à une journée un peu plus venteuse. Mais non, nous quittons le mouillage du Ponante pour Cefallu que nous n’attendrons pas faute de vent. Chaleur étouffante sur la mer ; une seule distraction : nous croisons un sous-marin qui fait route pour le détroit de Messine.
Nous cherchons le vent à la côte, malgré les orages qui grondent sur la Sicile nous resterons avec une route moteur qui nous amènera au port en construction de Santa Agata Di Militello
Grande discussion avec le gérant du port qui conteste les documents du bateau !! ceci pour nous arracher 10 euros de plus. Conclusion, nous qui avions pensé et dit notre intention de rester 5 jours sommes partis dès l’aube le lendemain.
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EOLE tu n’as pas tenu tes promesses…….
Nous avons respecté notre engagement : 10 jours parmi les îles éoliennes avec 100 litres d’eau. Arrivé en Sicile en ce 31 août, le robinet a délivré ses dernières gouttes et nous n’avons pas fait de ravitaillement en eau minérale. Et toi tu devais garder les vents contraires et nous pousser vers la Sicile a vive allure !! Mais rien toujours ce souffle léger à peine pour gonfler les voiles et toujours de face !
Certains visitent les îles les plus ventées au monde (avec celles de la région du détroit de Magellan) avec la peine des marins accrochés à leur harnais de sécurité, ce ne fut pas notre cas.
Ces îles magnifiques resteront gravées dans ma mémoire comme un endroit merveilleux où l’on sent à chaque instant la puissance des éléments, à la fois proches de la création et proche de l’anéantissement, monde de roches de toutes couleurs, de toutes formes, présence du souffle de la vie ou du divin, le Soleil astre puissant et sa chaleur.
Je n’exprime à cet instant qu’une envie : revenir et séjourner suffisamment pour deviner encore plus la raison de notre existence.
Alors Ulysse on comprend mieux comment tes marins ont concouru à ta perte dans ce paradis et ta précipitation vers l’enfer de Carrybde et Scylla.
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